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Sélection et diversité génétique

La sélection génétique est aujourd’hui indispensable pour faire face aux menaces apicoles et continuer à vivre l’apiculture comme une activité professionnelle. Cependant, beaucoup se méfient des pratiques de sélection pouvant présenter certains dangers.


Les écotypes locaux : une richesse utilisée en sélection


En France et en Europe, une seule espèce d’abeille est élevée et domestiquée : Apis mellifera. On observe cependant une grande diversité au sein de cette espèce. En effet, plusieurs sous-espèces ont évolué de façons distinctes, on peut parler de races d’abeilles. Elles sont le résultat de nombreuses années d’adaptation de l’abeille à son territoire, présentant des différences à travers le monde. Une même race peut également comprendre plusieurs écotypes. Les écotypes sont des adaptations plus locales de groupes d’abeilles à leur environnement. Une race réfère à un pays ou une région du monde, comme l’Europe de l’Ouest, l’Italie ou encore le Sahara. Un écotype est lié à une région, d’un pays, présentant un écosystème particulier, comme les Cévennes, la Bretagne ou le nord de la France par exemple. Naturellement, une grande diversité s’est créée avec de nombreuses années d’adaptation, formant des pools de spécificités très localisés dans des écosystèmes spécifiques.


Ces différences entre abeilles ont été exploitées dans des démarches de sélection. En effet, les abeilles peuvent présenter, en fonction de l’environnement dans lequel elles vivent, des capacités à butiner par condition de vent fort, à se développer très rapidement pour butiner tôt en saison, ou encore à économiser leurs ressources. Ces spécificités peuvent être très recherchées par les apiculteurs afin d’exploiter ces caractéristiques dans d’autres environnements. Les sélectionneurs ont de plus créé des croisements pour combiner les points forts de différentes abeilles. Ces travaux ont permis la création de nouvelles abeilles comme l’abeille Buckfast née des travaux du Frère Adam.



La fécondation des reines par les mâles est très peu contrôlable ce qui rend cette problématique difficile



La problématique d’homogénéisation


Cette exploitation et mondialisation intelligente de l’abeille a permis le développement de l’apiculture professionnelle, et aide à faire face aux enjeux actuels d’augmentation des menaces et du changement climatique. Néanmoins, les conséquences des échanges d’abeilles sont importantes sur les spécificités locales. En effet, la fécondation des reines est difficilement contrôlable et chaque remérage implique un brassage d’allèles, c’est-à-dire de version de gêne. Une quinzaine de mâles environnants partagent leurs patrimoines génétiques avec la reine et donc sa descendance. Cela crée à long terme, une homogénéisation locale, et à grande échelle.


Les transhumances accentuent également cette homogénéisation. En effet, en déplaçant des colonies d’un écosystème à un autre, on déplace également des mâles. Ces mâles peuvent alors féconder les reines locales, rendant la descendance moins spécifique à son environnement. Ajouté à cela, un apport de ruche, même temporaire, apporte aussi la potentialité d’essaimages et donc de dispersion sur place de colonies étrangères.


Un dernier phénomène peut mener à une homogénéisation des caractéristiques des colonies. Les colonies s’adaptent à leur environnement local, qui peut être très spécifique. La modification de ces environnements et des paysages, dû à l’urbanisation ou à l’agriculture, engendre une diminution de diversité des écosystèmes. L’homogénéisation des paysages mène alors à une perte de spécificité et donc de diversité apicole.



La transhumance de la colonie implique la diffusion de caractères dans de nouveaux environnements.



La sélection naturelle de moins en moins influente


Les conditions environnementales, biotiques et abiotiques, exercent des pressions de sélection sur la vie et la reproduction des colonies : il s'agit de la sélection naturelle. Ainsi, certaines conditions favorisent des populations présentant des caractères particuliers, comme la capacité de butiner au moment des miellées, et éliminent d’autres colonies présentant des caractères non adaptés, comme la sensibilité au froid. La sélection anthropique change les critères déterminants la diffusion ou la disparition de caractères dans la population de descendants. Elle permet la survie de colonies n’ayant naturellement pas leur place dans l’écosystème, et sélectionne les caractères incompatibles avec la vie sauvage des abeilles. Par exemple, une forte capacité à essaimer est très favorable pour les abeilles sauvages, mais c’est un caractère éliminatoire dans la grande majorité des plans de sélection.


Ainsi, une sélection menée à grande échelle peut avoir des conséquences irréversibles sur l’évolution de l’abeille et son autonomie. De plus, la sélection menée par l’homme est plus impactante que peut l’être la sélection naturelle. Le pôle de diversité peut fortement se resserrer dans le cas de certaines races. Dans certains cas, un faible nombre de sélectionneurs, produisent une quantité importante de reines d’une même génétique, bénéficiant à une grand nombre d’apiculteurs internationaux.



Les raisons de ces risques et les solutions


Ces observations peuvent être très alarmantes pour la conservation de l’abeille. Comment expliquer de tels choix ? Les apiculteurs professionnels ont pour métier d’élever des abeilles en bonne santé. Afin de rendre cette activité économiquement viable, les apiculteurs vivent de la vente de miel, ou d’autres produits de la ruche. La mondialisation du marché du miel a créé de fortes contraintes économiques obligeant les apiculteurs à travailler avec des abeilles suffisamment productives, et à transhumer leurs ruches, pour pouvoir vivre de leur métier. Sans la sélection génétique, il serait probablement aujourd’hui difficile d’être apiculteur professionnel.


De plus, la mondialisation des échanges commerciaux a permis la propagation de menaces pour l’abeille, comme le varroa, la nosémose ou le frelon asiatique. Face à ces menaces importées par l’homme, la sélection génétique est peu puissante pour sélectionner des abeilles résistantes. La sélection menée par l’homme permet de construire un avenir avec des colonies adaptées pour faire face à ces dangers.


Il est essentiel de conserver la diversité génétique chez l’abeille Apis mellifera. Ce réservoir d’allèles permet de faire face aux menaces à venir en permettant d’augmenter les chances d’avoir une abeille adaptée aux prochains enjeux. Sans diversité, la moindre difficulté ne pourra pas être surmontée si l’unique abeille existante ne possède pas les caractéristiques nécessaires. Pour conserver cette diversité, il est important d’encourager l’apiculture de loisir accueillant des abeilles de toutes origines. Sans dépendre des performances de production, il est tout à fait possible d’élever des abeilles non issues d’une démarche de sélection et ainsi conserver des écotypes qui ne pourraient pas être élevés dans un cadre professionnel. Les conservatoires ont également une grande importance dans la sauvegarde des abeilles locales. Ces démarches profitent à tous et il est important de travailler ensemble vers la conservation d’une diversité génétique, tout en permettant la sélection d’abeilles convenant aux enjeux de l’apiculture professionnelle.


SOURCE : diergaardeblijdorp.nl The greenhouse creates a tropical climate but does not allow the bees to find their way around and forage

La conservation d’espèces peu élevées est peut-être la clef de l’apiculture de demain



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